KOMINSKY : MICHAEL DOUGLAS JOUE DIEU (PARTIE II)

01/11/2020
Après avoir étudié la forme de la superbe prestation de Michael Douglas, dans la scène d’ouverture de la série La Méthode Kominsky, attaquons-nous à ce qu’il raconte… Un pitch brillant sur le métier d’acteur. Storytelling, implication de son auditoire et figures de styles. Tout y est pour méduser ses élèves. Et nous aussi !

Acte 1 : Raconter une histoire, le fameux « storytelling ».

Michael Douglas, après un long silence, prend la main. Alors que ses élèves s’attendent à des exercices de scène classiques, il les prend à contre-pied. « J’aimerais que nous prenions un instant pour parler de notre métier ». Et vlan, il a mis un pied dans la porte, et enchaîne sur 2’30 de storytelling des plus audacieux !

Son histoire est simple : « Que fait un acteur quand il joue ? »  Réponse 1 : « II fait semblant. » Réponse 2, celle que Michael Douglas apporte à ses élèves captivés : « L’acteur joue à être Dieu ». Dieu comme personnage principal, ça réveille ! Mais son histoire n’aurait aucune valeur s’il s’arrêtait là. Pour qu’une histoire, fonctionne, elle doit être argumentée. Dans un seul but : convaincre. Et Michael Douglas y excelle en quelques exemples marquants. « Dieu décide de créer la vie, et bam, la vie existe. Dieu décide de créer la mort et Boum, l’obscurité revient ». Puis, déroulant la métaphore, il tisse le lien avec le métier d’acteur : « Comme Dieu, nous, les acteurs, devons aimer nos créations ». Telle est la phrase pivot de son histoire. C’est franchement osé, mais comme on dirait en anglais : « It makes sense »…

Acte 2 : Intégrer son auditoire dans son récit.

La prise de parole se fait à deux. Celui qui parle et ceux qui écoute. Snober son auditoire revient clairement à se tirer une balle dans le pied ! Pour cela, Douglas l’acteur utilise plusieurs techniques. La première, classique, mais efficace : l’auto-interrogation. « Qu’est-ce que jouer la comédie ? », « Que se passe-t-il vraiment quand on joue ? », « Après tout, que fait Dieu ? », « Qu’est-ce que cela implique pour nous ? ». Quatre questions, instillées à chaque moment charnière de son récit. Une façon de rythmer son histoire et de maintenir l’attention de son public. Il s’adresse même à lui très directement : « Et je vous demande d’écouter très attentivement ce que je vais dire ».

Autre technique, l’emploi du « nous » et non du « je ». « Nous devons nous demander », « Comment intégrons-nous cette information dans notre métier d’acteur ? ». Ses élèves ne sont pas encore de vrais acteurs mais rêvent de le devenir. Avec le « nous », il les valorise, les rend enfin « acteurs » de sa propre histoire. !

Acte 3 : Figures de style, phrases courtes, concepts évidents.  

Pas de longues phrases ni de termes complexes. Juste des évidences portées par des phrases courtes. « La vie », « l’existence », « la mort », « l’amour ». Des concepts on ne peut plus essentiels qui parlent émotionnellement à chacun. Et, pour bien enfoncer le clou, il n’hésite pas à marteler son récit, avec l’usage fréquent de répétitions. Deux fois : « Que se passe-t-il véritablement ? », Trois fois « Dieu dit… ». Et pour conclure, une phrase, découpée en quatre segments très courts : « Parce qu’à la fin / le grand amour / l’amour de Dieu / c’est de le laisser partir ». Une construction rythmique forte, abrupte, efficace. Comme on frapperait un maillet au moment de rendre un jugement. Le « Dieu Douglas » a parlé, et ses élèves en restent bouche-bée !

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Journaliste et consultante pour Pitch361