Badinter Acte 1 : Pourquoi la France tue-t-elle encore ?
« La France a été parmi les premiers pays du monde à abolir l’esclavage (…). Il se trouve que la France (…) aura été presque le dernier pays, et je baisse la voix pour le dire – en Europe occidentale à abolir la peine de mort. » Badinter entre très vite dans le vif du sujet.
Au lieu d’expliquer pourquoi il faut abolir, il se demande pourquoi la France n’a-t-elle pas encore aboli ? C’est bien plus malin… Il nous introduit ainsi dans une réflexion historico-politique, pour démontrer l’aberration de cette situation.
Et n’hésite pas à rappeler quelques grandes figures abolitionnistes qui ont pourtant marqué notre histoire : Jaurès en 1908, Briand, puis plus rien.
« Les temps passèrent », glisse l’avocat qui montre du doigt les précédents gouvernements qui ont fait la sourde oreille à « tant d’entre vous qui avec courage réclamaient ce débat ». Et Badinter de conclure ce rappel historique par cette phrase : « On avait le sentiment à entendre ceux qui avaient la responsabilité de la proposer qu’il était (…) urgent d’attendre.
Attendre, après 200 ans ! Attendre comme si la peine de mort ou la guillotine était un fruit qu’on devait laisser mûrir avant de le cueillir. » Usage de la répétition du verbe « attendre », placé en début de phrase pour qu’il ait toute sa force. La force de l’absurdité, que Badinter chercher ici à dénoncer.
Badinter Acte 2 – Un choix politique
Dans cette partie, Badinter démontre que peine de mort rime avec dictature. Donc si la France n’est pas une dictature pourquoi exécute-t-elle encore ? Le propos est clair, limpide, quasiment indiscutable.
Et Badinter n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Partout dans le monde et sans aucune exception, où triomphent la dictature et le mépris des droits de l’homme, partout vous y trouverez inscrite en caractères sanglants, la peine de mort. » On voit ici qu’il n’est nul besoin de multiplier les adjectifs… Il suffit de choisir le bon, en l’occurrence « sanglants ».
Badinter Acte 3 – Un choix moral
Quant au « choix moral », là encore c’est avec une seule formule qu’il fait éclater son propos. Une phrase qui pourrait être un slogan abolitionniste : « Parce qu’aucun homme n’est totalement responsable, parce qu’aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable. »
La force du pourquoi qui assène, comme une déferlante, une affirmation que nul n’oserait contredire. « Moralement inacceptable », deux mots choisis pour marquer au fer rouge l’esprit des députés mais aussi celui du public. Deux mots qui balaient –sans concession- cette « justice qui tue » qui révulse l’avocat au plus au haut point. N’a-t-il pas confié un jour, après avoir assisté à l’exécution d’un de ses clients : « Ce matin-là, avocats, juges…. Nous avions tous une tête d’assassin ».
Deux semaines après les députés (363 voix contre 117), les sénateurs votaient aussi pour l’abolition (160 contre126). Le 9 octobre 1981, la guillotine était enfin condamnée aux oubliettes….