Sigles et acronymes : les faux amis de vos prises de parole

09/10/2022
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Ces raccourcis linguistiques constituent des éléments de langages incontournables. Bien commodes souvent. Parfois tellement familiers qu’ils figurent dans les dictionnaires. Pourtant, ils sont à manipuler avec la plus grande précaution dès qu’ils sont synonymes de jargon administratif ou professionnel.

Les sigles et leurs cousins, les acronymes, sont partout. Ils ont envahi nos conversations, nos médias, nos discours. La différence entre ces deux catégories ? Les premiers se prononcent en énonçant chaque lettre (SNCF, PDG, BTP, HLM ou SMS), les seconds se lisent comme des mots (Cedex, Dom-Tom, Ovni, ENA ou Smic) et ne s’écrivent pas toujours en lettres capitales.

De LR à la Nupes et au Covid

De ces contractions verbales, on use et on abuse. Des sigles et acronymes en pagaille. Exemples puisés à la Une d’un grand quotidien du matin, un jour de juillet 2022. Dans un article politique, il est question de plusieurs députés dont l’étiquette politique s’appelle LR (Les Républicains), LFI (La France insoumise) et RN (Rassemblement National). Facile, tout le monde utilise ces sigles. Les choses se corsent avec la Nupes, cette coalition récente de partis issus de la gauche. En clair, la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale. Encore faut-il s’en souvenir… Le même journal évoque l’Otan, la structure politico-militaire qui réunit sous le parapluie américain la plupart des pays d’Europe. Moins connue, en revanche, est sa signification, Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui renvoie au pacte signé par ces États.

Parmi les sujets abordés en première page, il est question du Covid, également. Un acronyme entré dans nos vies au début de 2020. Mais qui se souvient que ces cinq lettres veulent dire COrona VIrus Disease ? Quant à l’éditorial, il utilise un sigle franchement abscons pour les non-initiés, le CCIF, dont le journaliste ne juge pas utile de livrer la traduction : Collectif Contre l’Islamophobie en France. Agaçant.

Des raccourcis bien commodes

Sigles et acronymes, il faut le reconnaître, sont quand même bien utiles car ils nous font gagner du temps. Qui dirait encore Société Nationale des Chemins de fer Français plutôt que SNCF ou United States of America en lieu et place des USA ? Chez les linguistes, cela s’appelle la « fonction dénominative lapidaire » : ces « non-mots » sont des raccourcis langagiers, réductions graphiques et phonétiques d’un concept qu’ils synthétisent en quelques lettres. D’ailleurs, l’étymologie de « sigle » renvoie aux « litterae singulae » des Romains, ces lettres initiales employées comme abréviations sur les monuments et les médailles, et dans les manuscrits anciens. « En 1975, le linguiste Maurice Grévisse note que la langue parlée résiste naturellement aux mots trop longs en les abrégeant, reconnaissant là une tendance à économiser l’effort, existant depuis les origines mêmes du français, qui s’est accentuée depuis la fin du XIXe siècle », observe Jacqueline Percebois, professeure émérite à l’Université d’Aix-Marseille et spécialiste de terminologie, dans une passionnante étude comparative sur les sigles et les acronymes en français et en anglais.

Des acronymes entrés dans le dictionnaire

En simplifiant l’écriture, la lecture et l’énonciation, les sigles et acronymes faciliteraient donc la communication. A la condition expresse qu’ils soient compris du plus grand nombre. Certains acronymes, devenus de véritables noms communs, ont les honneurs du dictionnaire, tels ovni ou sida. La preuve : ils ont perdu leur majuscule initiale. Tout le monde sait ce qu’ils désignent, même si la plupart d’entre nous avons oublié le sens précis de chaque lettre. D’autres acronymes sont choisis pour leur pouvoir évocateur et leur signification exacte s’évapore très vite. Comme Erasmus, EuRopean Action Scheme for the Mobility of University Students, le programme communautaire favorisant la mobilité géographique des étudiants, baptisé ainsi en hommage au moine humaniste néerlandais Erasme. Hormis ces sigles et acronymes entrés dans le langage courant et donc familiers du plus grand nombre, les autres sont à manier avec précaution en dehors de l’environnement professionnel. Et à plus forte raison dans un discours, une allocution ou une présentation destinés au grand public, ou bien dans une interview.

L’abus de sigles nuit gravement

Il y a bien sûr les insupportables abréviations typiquement anglo-saxonnes, comme ASAP ou As soon as possible (aussitôt que possible), FYI ou For your information (pour votre information) ou bien Thx ou Thanks (merci). A bannir absolument. Il y a aussi les sigles aux sens multiples, générateurs de quiproquos ou d’incompréhensions. APC, par exemple, désigne aussi bien l’Association des professionnels du catch, l’Armée populaire de Corée, un Arrêté préfectoral complémentaire que l’Association des producteurs de cinéma, le groupe de rock A perfect circle, les Activités pédagogiques complémentaires ou un Accord de performance collective. Il y a, enfin, les sigles et acronymes qui prolifèrent dans certains secteurs professionnels, au point de constituer une novlangue parlée et comprise par les seuls initiés. Les entreprises et organismes publics, les administrations et les scientifiques en sont friands. Exemple presque caricatural : la police nationale dont le jargon maison ressemble à un abécédaire de sigles, de AA (Adjoint administratif) à ZSP (Zone de sécurité prioritaire).

Il n’est bien sûr pas interdit de recourir à ces raccourcis. Mais à une condition expresse : il faut indiquer quels mots ces sigles et acronymes recouvrent et, si nécessaire, préciser leur sens. Ceux qui savaient déjà n’y prêteront pas attention. Ceux qui croyaient savoir ou ignoraient s’en réjouiront

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Journaliste et autrice.